samedi 14 octobre 2023

The colours of Shy

 

  

L'herbe du pré murmure.

La lune le suit à la trace. Le juge.

Respirer encore.
Un, deux, trois. Par les collines et les vallées de ses mains froides. 
Quatre et cinq, retour, souffler.

[...]

Bruit de phalanges qui se plient et craquent dans son esprit.
[...]

La nuit est pleine de sillages lumineux brisés de ces souvenirs où les gens se mélangent, comme s'il avait gobé quelque chose sauf qu'il est cent pour cent clair, il se balade en enfilant les souvenirs.

Shy fait des rêves extrêmement troublants, mais nous expérimentons plusieurs stratégies, des mécanismes d'adaptation, des astuces pour que les nuits se passent mieux, n'est-ce pas Shy ?


Il pense à la cassette dans son Walkman et au spliff dans sa poche.
Il est excité. Résolution. Fumée.
Production chiadée. Élévation. Intimité. Maîtrise. Il parle tout seul, saute d'un accent à l'autre : Sur le beat on met le feu, donne au public ce qu'il attend, la basse qui sonne et qui assomme, dédicace au crew de la Dernière Chance, c'est pour tous les massives qui marchent la nuit, big up au sac à dos, c'est le son du Shywalker à toute heure, je viens te faire peur je sème la terreur. La montée, la tension, et tout au fond la vibration. Bonjour monsieur, je peux faire quelque chose pour vous ? Tout ce que tu veux mon pote. Ouais frangin, tout pour mes rudeboys. Jazzy, chaud, propre et trippé, et un putain de bruit métallique de cauchemar, ha ha n'importe quoi. Shy se marre. Ça te plaît hein ? Voix house chanmée, pur ragga, de la bombe. Fluide, incisif, agressif. Pas un pet'de gras, jouissif. Ha ha. La plus belle invention britannique depuis la machine à vapeur ?
Le futur nous appartient, 95 peur de rien.

[...]

Emporté.

Le pré est toujours parfaitement immobile et pourtant il semble être plus proche et l'enserrer, l'envelopper. Bloc de nuit qui progresse avec lui, respire quand il respire. Tout n'est que lisière pressante. Densité envahissante.

Shy préfère ne pas penser à ce qui pourrait être tapi non loin.




« Like a person devoured / animal that's in him / skin ? on him ?
trapping him / 
Shy’s inside, but the skin is also him,
so angry, so true. 
I’m almost envious. »



_
Max Porter, Shy 
traduit de l'anglais par Charles Recoursé
[Éditions du sous-sol
]


photos K.D :
# anything you want - yallah habibi 
― London novembre 2018 
# Shy ―  Roubaix octobre 2023





jeudi 5 octobre 2023

J'appartiens maintenant à la nuit


Tu me tues mais mon visage
te restera figé
dans le regard.
Tranchant. Dans les nuits
pleureront tes paupières 
clouées.


   _ Goliarda Sapienza, Ancestrale



                                                                f.a.b le miroir




le poème est mort, la nuit seule sait que je t'ai aimé

verser de l'eau sur ton silence
mouiller l'empreinte de ton rire sur mon ventre
écrire l'arrêt —  les mots ne trouveront plus l'oreille
maintenant je vois ta rivière autrement qu'un puits 
dans le couloir de mon attente 
rappelle-toi aussi la pluie
comment lit et soupir
libèrent les flots

qui es-tu mon poème ?
éblouie par mes pensées
ouverte en toi je glisse
dans les plis du suaire
devenue aussi muette  
et non-voyante 
tout au fond
de la nuit

mais est-il possible de taire
le bois de ton regard
ton ombre géante
tes mains reconnaissables
dans le mouvement de la lune ?

pour toutes les images que j'ai affleurées
le chant du crépuscule dans mes veines
savoir à l'aube que les mots ont existé
résisté —éprouvé— saigné 


les larmes ta chaleur tombent
une gorgée d'eau entre les raies que fait la lune
le poème est mort et ma peau avec toi