samedi 1 novembre 2025

" Si je t'aime, est-ce que cela te regarde ? "


On a beau faire, on se figure toujours ce que l'on voit.
Je crois que l'homme rêve uniquement pour ne pas cesser de voir.
Il se pourrait bien que la lumière intérieure se répandit un beau jour
hors de nous-mêmes, en sorte que nous n'aurions besoin d'aucune autre.

_ Johann Wolfgang Goethe,
Les Affinités électives




dimanche 26 octobre 2025

Ne pas s'attarder sur ce qui détourne l'attention

 


la nuit est étourdie. par elle, la colère s'endort dans l'espace du poème et dans la crise avec les mots que j'ai semés, hâtivement, nerveusement, sur des carnets noirs.

enveloppée de feuilles de papier, dans mon sommeil, la nuit réveille le vide du corps, ma bouche s'éclaire. au fond de la scène, des milliards de lunes. la langue tourne, elle est ronde, devenue cicatrice, petits points tracés avec adresse dans la Voie Lactée.

je m'enfonce dans la tendresse de la nuit et je bois la musique de l'indulgence, c'est un silence déconcertant.

j'ai perdu des noms, un itinéraire couché depuis cinquante ans. je ne sais plus à qui je parle. les visages sont brouillés, comme une piste dans un crépuscule de lucidité. j'ai cru à l'accident de l'écoulement.

échappée, ligne de fuite, dérobade, mensonge limite, précaution incorrecte, je ne peux m'empêcher d'imaginer tes mains hésitantes. 

où commence la confiance, comment devenir montagne, celle que l'on ne déplace pas ?



carnet / photographies : longtemps tactile 
Le non-lieu Roubaix 05 octobre 2025



dimanche 12 octobre 2025

Écho sans retour


On leur fera le visage que l'on veut
d'après les lettres.


_
Hélène Cixous, L'Amour même
dans la boîte aux lettres
[Prière d'insérer]
 Ed. Galilée

                                                                              k_9652_768


avec la fidélité des mots
derrière l'infidélité des liens
sous les illusions des choses, les choses de parole
je renonce

je veux l'automne sans discuter
m'émerveiller de l'affection indiscutable qu'ont les chats
mourir follement sous ma langue
j'ai perdu ma peau plusieurs fois
je la sens je la vois de l'autre côté du verbe
plusieurs fois trouvée entre encore et toujours
j'aurais passionnément dit
et de toutes les tonalités

le cri à voie basse
un chrysanthème dans la bouche

faut-il caresser le contraire à chaque émotion touchée ?
revêtir la robe d'un nouveau doute
une robe longue jusqu'aux racines
taraudée comme une roche

d'une urgence d'une violence
d'une extrême douceur 
des actes infléchis
j'étreins le désert
dépiautée



samedi 27 septembre 2025

Chose, folie, mouvement, douceur : quatre-vingt-deux mots


« Tout avait commencé la veille.  Je venais de lire Savoir.
Et avant de fermer les yeux pour céder au sommeil, je me laissai envahir,
comme on dit, doucement, dans la douceur, par un souvenir d'enfance,
un vrai souvenir d'enfance, l'envers d'un rêve, et là je ne brode plus. »

                                                                              _ Jacques Derrida, Un vers à soie
                                                                            Points de vue piqués sur l'autre voile 

                                dans Jacques Derrida et Hélène Cixous, Voiles
                                                           Ed. Galilée, Paris - coll. Incises 


                                                         quatre-vingt deux mots


ici, l'armure a perdu son caractère solitaire. elle est dans une secrète complicité. c'est apprendre de la dualité des sens. il y a toujours un arrachement à soi d'être à vivre et ne pas confondre la première personne. " je " suis un moment qui arrive - excessif dans l'élan du sourire, de l'étoffe envolée. je ne suis pas qu'une heureuse fugitive. je retrouve l'air d'une histoire de la folie. comprenez-vous : je cherche l'infinité dans la fureur d'écrire le mouvement. ce mouvement redoutable des mouvements insensés. vivre cet être qui disparait. savoir le corps et le dire. et voilà que l'ombre de son image s'égare dans l'écluse du rêve. un tremblement ouvert dans les parages du vrai. petite peau du texte indémêlable...
 


samedi 20 septembre 2025

Celle qui parle


Tu ne trouveras pas les limites de l'oubli, si loin que tu puisses oublier.

                                                            _ Maurice Blanchot, L'attente, l'oubli


                                                                                 le dialogue


elle est partie un matin puis elle est revenue des années plus tard, l'interroger sur sa vie. Peut-être trois ou quatre questions derrière des heures infinies de tension et d'ivresse. À la recherche d'un commencement, telle Eurydice arrachée des enfers, elle est tombée dans la vérité. Par la franchise du regard, il y a sans cesse la clairvoyance et une proposition intense — la nudité de l'Autre aussi. Comment elle a pu voir son visage sans connaître ses yeux. Au nom du destin, elle l'a appelé " visage " et c'est un mystère. Ce qui a été au plus loin d'elle, ce qui est encore — radical, indestructible pourtant filamenteux, totalement intérieur. Que toute lumière absente, invoquée et qui ne sait pas, rappelle l'expérience du non pouvoir ou d'un tout pouvoir de la limite mouvante. Ce vide impressionnnant dans la figure déshabillée.  

Pendant plusieurs jours, la piqûre de l'humiliation lui a brûlé la langue, elle n'a pas arrêté de parler. Comme s'il fallait mourir plusieurs fois avec le chant des flammes du langage. 



jeudi 4 septembre 2025

Les contrevenantes

                                                                   Archive - Is this me 
                                                                      [Super 8 | 2022]


... quelques minutes vives pour enjamber le train. Elles partent voir Cirrus, qui lui, les observe depuis le pont-route. Rien ne les destine au souvenir. Sont-elles entières dans un tout en dehors et sans dedans ? Elles arpentent le chemin comme un perpétuel à venir, un long chemin des yeux du haut puis du bas des rails. La vie recommence sur des lignes en rupture. L'une exprime sa surprise, l'écriture est parfois vide. Celles qui se regardent, énumérent les cruautés du monde. Elles touchent les âmes étourdies. Dans l'éclat du détour, il y a le retour de l'absence. Tout revient, alors, mais pour que chaque histoire soit autre chose que l'histoire du passé.

j'entends leur respiration derrière les efforts qu'elle déploie
contre le besoin irrépressible, le devoir déchirant

la lumière cogne sur leurs tissus
sans contresens








carnet / photographies : " l'interdite " & autoportrait K.D
― Villetaneuse - Paris
, 31 août 2025



mercredi 27 août 2025

L'effacement


                                                          la faille et la parole


c'est là — toujours trembler
du sentiment d'incompréhension 
dans l'approche attentive au sensible
tenter encore l'adresse d'un langage
l'épreuve intime de se perdre et avancer
avec ardeur à l'intérieur d'une lutte
écrire d'un rien à plus profond

recommencer la parole de maintenant 
et comment dire c'est parler en langues
l'une, l'autre, l'entre-deux, l'écart tu 
ouvrir les lèvres et s'échapper de soi
et plusieurs mots au-dessous du silence
parler et écrire comme l'écume de la nuit

 

est-ce que la bouche appartient à quelqu'un ?


              je disparais d'un scintillement
              je deviens l'absence lunaire

                      toute à toi

                      non à toi
                      toute à vous 
                      les palpitations étrangères


                                     la mort change
                                     pour revenir au monde 
                                     c'est inexplicable