mardi 12 août 2025

Le Jeu imprenable

 

Nous ne savons plus dire le Mal.
Nous ne savons plus que proférer le discours des droits de l'homme - valeur pieuse, faible, inutile, hypocrite, qui repose sur une croyance illuministe en l'attraction naturelle du Bien, sur une idéalité des rapports humains (alors qu'il n'existe évidemment de traitement du mal que par le mal).

                 _ Jean Baudrillard, La Transparence du Mal


         Cat Power - Hate
          [The Greatest  | 2005]


j'aime les gens honnêtes, qui sont-ils ?
est-ce toi qui m'écoute quand ton coeur s'essouffle ou toi qui jongle avec la langue maudite, toi la nature vérace devant l'écran radar, sans doute toi le mécréant dans son corps de ferme, et toi qui cherche le sens oublié des mots — qui d'autre se trouve ici ? 

l'honnêteté est marginale, ne parle pas sur des cahiers chiffrés. Elle n'est pas la chemise immaculée pour séduire l'écriture d'un système, elle est voie sur un chemin vague. Ce n'est pas non plus une formalité généreuse pour se remercier. Si je ne sais pas et d'évidence, je ne sais pas, elle m'aiguille. Si je m'exalte, si je parle sans cesse et que je digresse, elle sourit. Et si toi et moi, l'on s'entend, on l'a saisie sans se faire mal avec des souvenirs, elle se risque. Sans loi morale, sans conformité. 


                                                         ©Y.D - Sarrazine_1351

 ⌠merci, f. & y. pour ce qui est dit et dedans⌡



vendredi 8 août 2025

Dans ces yeux là | la joie folle

 

Ça ressemblait à une grimace, comme de la douleur 
mais ce n'etait qu'une joie folle


_ salman rushdie, les versets sataniques
   [Ed. C. Bourgois - trad. de l'anglais par A. Nasier. p.220]


et le silence blotti contre l'histoire | crayon graphite - encre
[Roubaix - août 2025] 



mercredi 6 août 2025

Rendre au sauvage sa vitalité, c'est là où je veux vivre

  Robe A. Demeulemeester © S. Meisel 1997


j'ai tenté d'écrire la nature des lieux, d'entourer la trace des mots contraires, un autre jour puis un autre —  déchaînée par le doute d'exister à ses yeux / je me suis découverte dans une atmosphère d'éther, complice au craquement du texte, alliance trompeuse, bouleversante / qu'une fois  — une seule fois, j'ai senti le filet de sa voix envelopper ma nuque, défaire la combinaison de mon horloge, basculer l'hiver en devenir printemps haletant / qu'une autre fois différente, la marche vive, son silence s'est écoulé sur la latérale gauche de mon corps / depuis je ne vois plus le temps comme il est / la révélation est là sous des lignes de phrases adressées à personne / je les enflamme de paix 


— peut-on dire simplement qui l'on est sans domestiquer la vérité ? 



dimanche 3 août 2025

Les images sont toujours plus ouvertes que les mots


                                                                       le lez_k6113-Y.D

Ce n'est pas par hasard que les anciens disaient :
le siège de l'âme se trouve dans les yeux ...
« Animi sedem esse in oculis. »

_ Norbert Elias, la civilisation des moeurs
[Ed. Calmann-Lévy - in sociologie du problème p.81]

elle remplit le verre d'eau, elle dépose doucement le verre devant la porte du langage. Le verre se vide à une vitesse folle et dans un flottement silencieux. L'eau s'est évaporée. Quelqu'un est peut-être là, rieur, glissé des végétations humides de la parole, a bu tous les mots. L'instant est grave, englouti dans la voix. Avec le même soin, le même geste, les feuilles se tournent vers la nuit, des yeux observent aussi la clarté nocturne. Voilà ce qu'elle voulait dire, cette précise sensation de la présence, ce qui se passe dans les yeux qui sentent — autant fermés puissent-ils être, autant volubiles autour des corps absents.



dimanche 27 juillet 2025

Les signes que la langue découvre

 

« ..là où la peau a été touchée, la marque reste...»

   _ Goliarda Sapienza, Miroirs du temps
    [extrait de lettre à Mara, 15 juillet 1960]

                                                         rien d'autre que la sagacité


l'amour dit
la différence naît 
dans les tissus que le corps sent
le temps intime ouvre les mains et au bout des doigts la vision
il faut dire les choses profondes sans attente
    affectueusement en plein désordre
affleurer les traces 
unir les ombres


                                                       mes yeux et ceux du soleil


et par l'éclair d'un délice
où l'éclat est tangible
la vérité arrive


                                                                               nature double 


carnet / photographies / autoportrait K.D & G.L
Bruxelles
, 26 juillet 2025



vendredi 25 juillet 2025

La douceur de l'empreinte

les chattes partagent la clarté des fenêtres de la chambre, elles lisent l'instant d'avant, celui d'après et tout l'invisible de ce que ma bouche appelle. Face à elles, les maisons voisines reflètent l'incompréhensible d'un feu ardent, une forme de foyer étranger ou ce qui pourrait être l'écoute d'une vie nouvelle. Dans l'égarement du regard des félines, je parle la langue en eau tombée de gouttière en gouttière. J'apparais avec elles, je glisse sur les mots anciens et je disparais. La cascade peut s'évanouir de nos corps et pourtant nous survivons, rien ne vient du prolongement du ciel —  s'il y a de l'effacement dans le ravissement


                                                et du feu et l'azur - l'inlassable

j'ai touché quelque chose avec ma langue et c'est quelque chose que la chaleur des chattes traduit naturellement. Il semble si simple parfois avec l'attention précieuse de complices, d'interpréter les signes, d'être le retour d'une vision, l'insistance d'un prénom, affleurer un bonheur que nous ne voyons pas, de vivre un blottissement soudain contre la douceur aveugle



jeudi 17 juillet 2025

La fulguration des liens

 

Des toiles et des toiles mystérieuses et attachantes, entre autres, des sensations anonymes que le temps a éprouvées. Je suis là à l’intérieur, enveloppée de mots et de peau, j’ai le ventre rond qui ne connaît pas encore sa naissance. En soi, c’est une expérience intime de visibilité et d’invisibilité, toute une texture d’une trame à l’autre qu’il faut arpenter. 

Dehors, dans les plis du monde, les arbres ont revêtu leurs robes à motifs et au son de la nature, ils nouent des gestes à leur centre de gravité. C’est la beauté des mouvements dansés. Je sens la vie s’entrelacer aux fibres d’un dehors et d’un dedans que le temps veut réunir. Voilà le seuil d’un spectacle vertigineux et je cherche l’odeur des tissus dans la respiration des arbres. Voici aussi l’errance de mon pas derrière des phrases décousues. 

Il y a des formes improvisées, incolores, infinies et toutes les formes sont des rêves. Il y a ce lien aux lieux, précis et mobiles. Je passe dans les bras des arbres d’où tombent les mots et leurs fleurs. Je traverse cette couverture de sens et d’images, je passe le fil dans les failles des murs, je touche les empreintes du temps. Et de la joie et de l’inconnaissable, j’enroule les mouvements, je dénoue la chute des fleurs, j’arrive enfin à l’origine du corps naissant, aux lianes et la vie que mes mains ont écrites. 


L’eau coule, j’entends un filet d’eau parcourir ma vie. 




                                                                        K.DPortails
                                                                        Recherche création [Roubaix - 2024/2025]