un excès d'images
dans une illusion
le feutre entre les doigts
sous cape comme ces doigts
qui murmurent jusqu'à la nuit
ce qui s'accélère à chaque lever
nourrit l'imagination impatiente
rompt avec l'invisible
parce que demain est illisible
entendre les doigts qui s'étirent
jusqu'à ce que la force s'emballe
tout comme
un excès de formules
que la mémoire protège
et sous cape l'inspiration
pour la musique qui se mange crue
mais de plus vive protestation
aux soi-disant génies
des marches
à suivre
aujourd'hui
l'air s'échappe
des excès écrits
et toute l'intensité
des promenades intérieures
ramasse les feuilles blanches
samedi 23 novembre 2019
jeudi 14 novembre 2019
Les années d'Annie Ernaux │ Les gestes et les pots
Hors des récits, les façons de marcher, de s'asseoir, de parler et de rire, héler dans la rue, les gestes pour manger, se saisir des objets, transmettaient la mémoire passée de corps en corps du fond des campagnes françaises et européennes. Un héritage invisible sur les photos qui, par-delà les dissemblances individuelles, l'écart entre la bonté des uns et la mauvaiseté des autres, unissait les membres de la famille, les habitants du quartier et toux ceux dont il était dit ce sont des gens comme nous. Un répertoire d'habitudes, une somme de gestes façonnés par des enfances aux champs, des adolescences en atelier, précédées d'autres enfances, jusqu'à l'oubli :
manger en faisant du bruit et en laissant voir la métamorphose progressive des aliments dans la bouche ouverte, s'essuyer les lèvres avec un morceau de pain, saucer l'assiette si soigneusement qu'elle pourrait être rangée sans lavage, taper la cuiller dans le fond du bol, s'étirer à la fin du dîner. Se débarbouiller seulement la figure chaque jour et le reste selon le degré de saleté, les mains et les avant-bras après le travail, les jambes et les genoux des enfants les soirs d'été, le lavage en grand réservé aux fêtes empoigner les choses avec force, claquer les portes. Faire tout avec brusquerie, qu'il s'agisse d'attraper un lapin par les oreilles, donner un bécot, serrer un enfant dans son giron. Les jours où le torchon brûle, entrer et sortir, bouger les chaises marcher à longues enjambées en balançant les bras, s'asseoir en se jetant dans le siège, les vieilles femmes en enfonçant le poing au creux du tablier, se relever en décollant d'une main rapide la jupe restée dans les fesses pour les hommes, l'usage continuel des épaules transportant la bêche, des planches et des sacs de pommes de terre, les enfants fatigués au retour de la foire pour les femmes, des genoux et des cuisses coinçant le moulin à café, la bouteille à déboucher, la poule qu'il faut égorger dont le sang goutte dans la cuvette parler fort et de façon grondeuse en toutes circonstances,
comme s'il avait fallu se rebiffer contre l'univers depuis toujours.
_ Annie Ernaux, Les Années
sans titre - les pots |
manger en faisant du bruit et en laissant voir la métamorphose progressive des aliments dans la bouche ouverte, s'essuyer les lèvres avec un morceau de pain, saucer l'assiette si soigneusement qu'elle pourrait être rangée sans lavage, taper la cuiller dans le fond du bol, s'étirer à la fin du dîner. Se débarbouiller seulement la figure chaque jour et le reste selon le degré de saleté, les mains et les avant-bras après le travail, les jambes et les genoux des enfants les soirs d'été, le lavage en grand réservé aux fêtes empoigner les choses avec force, claquer les portes. Faire tout avec brusquerie, qu'il s'agisse d'attraper un lapin par les oreilles, donner un bécot, serrer un enfant dans son giron. Les jours où le torchon brûle, entrer et sortir, bouger les chaises marcher à longues enjambées en balançant les bras, s'asseoir en se jetant dans le siège, les vieilles femmes en enfonçant le poing au creux du tablier, se relever en décollant d'une main rapide la jupe restée dans les fesses pour les hommes, l'usage continuel des épaules transportant la bêche, des planches et des sacs de pommes de terre, les enfants fatigués au retour de la foire pour les femmes, des genoux et des cuisses coinçant le moulin à café, la bouteille à déboucher, la poule qu'il faut égorger dont le sang goutte dans la cuvette parler fort et de façon grondeuse en toutes circonstances,
comme s'il avait fallu se rebiffer contre l'univers depuis toujours.
_ Annie Ernaux, Les Années
vendredi 8 novembre 2019
Infusion
je me suis drapée
aux fumées chaleureuses
et je n'ai pas bougé
la tête basse
j'ai étreint l'odeur qu'ont les paroles
et j'ai chanté l'air de leurs volutes
mais sans dessus sans dessous
ce n'est qu'un bruit d'organe
j'ai pourtant essayé de dépeindre
la courbe vertigineuse du signe
mais dedans ou dehors
personne n'entend
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