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« Quand nos yeux se touchent, fait-il jour ou fait-il nuit ? »
Est-ce le jour, ici, à cet instant ?
Et cet instant appartient-il au temps ?
Au temps de la terre ?
Au temps compté par ce tour de la terre
qu'on appelle la course finie d'un soleil ?
Est-ce un jour ? Est-ce la nuit ?
Faudrait-il faire la nuit, faire paraître la nuit pour regarder l'autre
ou pour se voir regardé par l'autre ?
Pour voir l'autre nous voir, soit à la condition qu'alors
nous ne voyions plus la visibilité,
seulement la croyance de ses yeux ?
Est-ce cela, la nuit, notre première nuit, le premier sens,
le sens fort du mot « nuit » ?
Le premier qu'il nous faille avoir le goût d'entendre,
avant de voir ou de toucher ?
[...]
Celle-ci : si improbable que cela paraisse,
j'ai cru déchiffrer cette inscription anonyme sur un mur de Paris,
Comme si elle avait voyagé depuis les rives d'une autre langue
(« Quand nos yeux se touchent, fait-il jour ou fait-il nuit ? »).
Elle m'aurait inspiré le désir de la réciter, purement et simplement,
en exergue à ce que je voulais écrire, depuis longtemps,
pour Jean-Luc Nancy,
celui que j'appelle à part moi le plus grand penseur du toucher de tous les temps.
– De tous les temps, vraiment ?
_ Jacques Derrida, Le toucher, Jean-Luc Nancy
[Éditions Galilée]