dévorer le dédale |
dimanche 19 mai 2024
jeudi 16 mai 2024
Les chats errants
vous percevez mes pas
vous flairez mes sens
chaque jour déchaîné de sa perte
vous cherchez le lit des fleurs
sous le désastre brillant des étoiles
la lune aux mille visages dans vos yeux
aveuglés par la vie
vous entendez plus fort que tout
le déferlement sournois des lois
les éboulements des guerres
de verve et d'assaut
je vous sens, je vous suis,
mêmes griffes sorties de la nudité
sans cesse le corps sans limites
dimanche 12 mai 2024
Les batelières
l'arbre de l'amour |
samedi 11 mai 2024
La Sagesse rencontre Les Rubáiyát : quelle merveille !
Est le néant, je ne sais point
De néant plus complet
est une erreur extrême :
Souffrez, mais déclarez vos maux,
Que sert d'en parler aux échos ?
Il faut les dire à ce qu'on aime.
*
L'absence est aussi bien un remède à la haine
Qu'un appareil contre l'amour .
Remplis la coupe ! Et répétons encore
Que le temps fuit et cède sous nos pas :
Hier est mort et demain peut venir ;
(non daté)
Omar Khayyām, Les Rubáiyát
traduction nouvelle par F. ROGER-CORNAZ
mercredi 8 mai 2024
La langue de la rivière
prosopopée |
je suis tour à tour débordante et dépourvue une onde cuirassée que le temps découvre ma musique est un avènement un genre d'entre-deux une audace que la main exulte un cran à demi-jours pareille à l'humeur de la soie je ne me borne pas aux impressions par le vide de l'air je descends vers l'inavouable au bord du monde je coule de tendresse et chaque soir je meurs dans la bouche
samedi 4 mai 2024
Il pleut et je te regarde — Où étais-tu pendant la nuit ?
empreintes |
C'EST LÀ QUE JE VAIS
Au-delà de l'oreille existe un son,
à l'extrémité du regard un aspect des choses, au bout des doigts un objet
— c'est là que je vais.
A la pointe du crayon, le trait.
Là où expire une pensée il y a une idée, à la dernière bouffée de joie une autre joie, à la pointe de l'épée la magie — c'est là que je vais.
A la pointe des pieds, le saut.
C'est un peu l'histoire de quelqu'un qui est parti et qui ne revint jamais
— c'est là que je vais.
J'y vais ou je ne n'y vais pas ? Mais si, j'y vais. Et maintenant je reviens pour voir comment vont les choses. Si elles sont toujours aussi magiques. Réalité ? je t'attends. Là-bas où je vais.
A la pointe du mot il y a le mot. J'ai envie d'employer le mot « retrouvailles » mais je ne sais où ni quand.
A l'orée des « retrouvailles » est la famille. A l'orée de la famille est le je. A l'orée du je il y a moi. C'est vers moi que je vais. Et c'est de moi que je sors voir. Voir quoi ? Voir ce qui existe. Une fois morte c'est vers le fatidique. Mais après — après tout est réél. Et l'âme libre cherche un coin où se lover. Moi est un je que je proclame. Je ne sais pas de quoi je parle. Je parle de rien. Je suis rien. Une fois morte je grandirai et je m'épandrai,
et quelqu'un dira mon nom avec amour.
C'est vers mon pauvre nom que je vais.
Et de là, de lui, je reviens pour appeler le nom de l'être aimé, celui de mes enfants. Ils me répondront. J'aurai enfin une réponse. Quelle réponse ? Celle de l'amour. Amour : je t'aime tant. Mes yeux sont verts. Mais d'un vert si sombre que sur les photos ils sont noirs. Mon secret c'est d'avoir les yeux verts et que personne ne le sache.
A l'extrémité de moi je suis je. Je, implorante, je, celle qui a des besoins, celle qui demande, celle qui pleure, celle qui se lamente. Celle qui chante pourtant. Celle qui dit les mots. Mots emportés par le vent ? qu'importe, les vents les rapportent de nouveau et je les possède.
Je à l'orée du vent. Les hauts de hurle-vent m'appellent.
J'y vais, sorcière je suis. Et je me transmue.
Oh, chien, qu'as-tu fait de ton âme ? Est-elle à l'orée de ton corps ?
Moi je suis à l'orée de mon corps. Et lentement je dépéris.
Que dis-je ici ? Je dis l'amour.
Et c'est à l'orée de l'amour que nous sommes.
_ Clarice Lispector, Où étais-tu pendant la nuit ?
[Ed. des femmes]
traduit du brésilien par G. Leibrich et N. Biros