à Gaston Salvatore (1941-2015)
écrivain chilien vivant en Allemagne, d'expression allemande
écrivain chilien vivant en Allemagne, d'expression allemande
10 octobre 1971
Cher Gaston,
chacune des lettres a le pouvoir de me toucher. Qu'est-ce que cela ?
Je crains que là encore il n'y ait quelque piège émotionnel sicilien. Une chose est certaine : c'est que depuis que tu as quitté l'Italie ton italien - ça semble paradoxal - s'est tellement amélioré qu'il arrive même à me surprendre, moi qui, comme tu sais, ne suis que très rarement surprise. C'est comme si en plus du vocabulaire, mots, adjectifs, le « sens profond » de la langue était en train de s'affiner dans ta mémoire.
Tout réside dans la mémoire, et tu es un homme de mémoire. Tu ne peux savoir comme m'a douloureusement frappée une phrase de l'une de tes lettres. Elle disait : je ne veux pas oublier. Et tu ne savais pas en la formulant que seul quelqu'un qui ne peut oublier dit : je ne veux pas oublier. Les autres oublient. C'est la même chose pour moi. Quelque chose d'autre m'a frappée dans tes lettres : une légère ironie, appartenant, elle, plus au sicilien qu'à l'italien, qu'avant je ne décelais pas chez toi.
novembre 1972
_ Goliarda Sapienza, Miroirs du temps
(lettres et billets) lettres choisies par Angelo Pellegrino
Ed. Le Tripode - trad. par N. Castagné
(lettres et billets) lettres choisies par Angelo Pellegrino
Ed. Le Tripode - trad. par N. Castagné
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photographies
― Roubaix, février 2025
― Roubaix, février 2025
comme Iuzza
et surprendre
charnellement