il n'y a plus d'attente
l'irrésolu |
l'irrésolu |
Alix Cléo Roubaud 15 minutes la nuit au rythme de la respiration - 1980 |
Mort réélle et constante.
À la lumière. je constatai ton irréalité. elle émettait des monstres.
et de l'absence.
L'aiguille de ta montre continuait à bouger. dans ta perte du temps
je me trouvais tout entier inclus.
C'était le dernier moment où nous serions seuls.
Le morceau de ciel. désormais. m'était dévolu. d'où tu tirais les nuages.
et y croire.
Ta chevelure s'était noircie absolument.
Ta bouche s'était fermée absolument.
Tes yeux avaient buté sur la vue.
J'étais entré dans une nuit qui avait un bord.
au-delà de laquelle il n'y aurait rien.
_ Jacques Roubaud, Quelque chose noir
Alix Cléo Roubaud, Journal (1979-1983) coll. Fiction & Cie ©Ed. du Seuil 2009 |
retour calme - chambre 101 |
endymion #04 |
je vous arrache de mon jardin
vous, qui m'avez poussée dans l'eau
— laminaria aux notes allègres
son ruban tout autour des cuisses
l'étendue de ses lèvres au-delà du seuil
le corps de la dormeuse laissé sur la pente
— où va sa colère blanchie par la lumière ?
— où va l'histoire noyée dans son bassin ?
tout au fond des mots, elle se cale
si crue si enroulée à la musique
le jardin planté dans votre rire
qu'est-ce qui fait maintenant sens entre tes doigts ?
— peut-être le tremblement faillible de l'intuition
et qu'est-ce que le cœur battant dans ta poitrine ?
— une fontaine vive que le temps veut scander
où vas-tu déposer la douleur des erreurs ?
— la nuit dans le pavillon de ton oreille
eh bien soit, que fais-tu du reste de la vie ?
— j'enlace ma mémoire à celle de l'inconnu
comment accueillir d'ailleurs cet inconnu ?
— oublier cela, qu'il y a son secret
— appuyée sur mon regard, je t'écoute rire
— le rêve que plus rien ne se dérobe
sinon qu'en reflet trouble sur ma bouche
▫
Decau el jorn. Un nuvolat compacte sobre el cel de llevant, àvidament assegat del sol que fuig, intacte, esdevé roig com un fornàs ardent.
A poc a poc es va apagant l'ardència i el núvol resta lívid sobre el camp ; immòbil i amb sobtad a refulgència, de ses entrayes emergeix el camp.
Le jour est tombé. Nuageux compact sur le ciel de l'Est, avec l'impatience assoiffée du soleil fuyant, intact, devenant rouge comme une fournaise ardente. Petit à petit, l'ardeur s'éteint et le nuage reste livide sur le champ ; immobile avec un soudain éclat, des éclairs sortent de ses entrailles.
_ Maria Antònia Salvà, El Núvol / Le nuage
in Cel d'horabaixa / Ciel aux heures basses. 1948
ad libitum |
la lumière crépite
dans le goût du monde
image et mot au diapason
d'un tel accord je me bouleverse
faut-il aimer la correspondance
se taire en chemin la jambe levée
même si le mur effréné de miel
ce qui monte glisse tombe encore
ce contact sans toucher ?
il m'a fallu sentier et sentir
de la sorte que je m'évanouisse
de la force que je me dépouille
la condition suave d'un inconnu
qui appelle ma peau sans l'appeler
_ Luce d'Eramo, Le Détour
Éditions Le Tripode trad. de l'italien par C. Lucas -P.415
signe viscéral |
les mots ont lu tes yeux
à des moments inexorables
tu vois ?
la passion pour cette main
de l'eau jaillie de ma gorge
le débordement d'un espace nu
de vives interstices en rigoles
nuit ronde / puits horizontal
c'est au fond que j'ai écrit
lune fendue
la voix glissée sur le vocable
je caresse des traces initiales enfouies
je tue le langage à son but ultime
j'emporte l'elle qui salive au loin
de ton corps non visible introuvable
elle entre le visage et la ligne du ventre
une parcelle de lettres absorbées au temps
ici le rebond de la musique — de ciel à ciel
ardemment je pour-suis le défaut du vrai
des êtres parallèles
il pleuvait quand tu m'aimais
la baie sourit à ta fenêtre toujours ouverte
silencieusement « ton regard » filme
Aminadab |
tu ne m'as pas rêvée tu me vois bruissante derrière le poème tu lis l'origine limpide de l'audace la douceur des arilles de grenade que le fruit donne au temps au vent ne te limite pas au paysage fragmenté de mon corps écoute sa musique il résonne à vivre l'éclair l'âme libre il rit avec ta langue autour de toi des nuages dansent tu n'en comprends aucun mot la poussière des lettres sous ma peau sent le frôlement de tes mains et c'est le cri vermeil le jus de la grenade coule dans ma bouche comme un courant d'air dans son passage un rai de lumière sourdement je te rejoins là dans le vent de la langue les nuages sont éperdus et ma respiration est complice ne crains pas d'aimer
est-ce que la joie se transplante du corps
et si du souvenir elle s'enracine, aussi ?
avec les années regarder cette joie
intacte partie du fond d'ailleurs
respirée en toi en elle en lui
un jardin sans ligature
théorème de l'aube N°42 |
le corsage - Roubaix VIII 2024 |
peut-être l'abandon l'intuition précédée d'une déroute peut-être le dessin du corps nu sur la table quelque chose comme un grand bruit d'existence le signal du rêve pénétrant les tissus une liste de mots à franchir affranchie du langage un espace alimenté de tout son-suspens-sidéral peut-être la morsure dans l'écriture une vie dos contre dos une musique immobile dans le champ magnétique
irrévocable |
autoportrait |sans titre| |
Une littérature arrêtée. Je sais que j'utilise cette expression de « littérature arrêtée » pour désigner aussi bien le journal intime que la photo. Dans l'autoportrait photographique, je dirai que ce sous-entendu « littérature-arrêt » se retrouve avec un exposant fort : l'arrêt est littéraire, bien sûr, mais il est comme montré du doigt alors qu'il est, sous nos yeux, en train d'avoir lieu. De toute façon, quoiqu'on aborde, c'est une affaire de redoublement qu'on associe.
Lié, donc.
Gathered.
Plan serré. La hantise du défait du visage, de la désunion de l'aspect général du soi.
_ Denis Roche, La disparition des lucioles
(réflexions sur l'acte photographique)
Seuil/Fiction & Cie - p.101
sans titre [Sunday] 2019 |
Elle croît et se précipite
Elle dévore les mondes.
_ Safaa Fathy
[Le premier et le dernier - 1986]
in Où ne pas naître
immensité-6733 |
autoportrait-6740 |
l'enchantement qui suit ma question est aussi grand que toi
la lumière qui s'accroche à mon visage a con-sidéré le ciel
les filaments des mots se sont jetés sur les parois du vide
de là — une envie verbale s'est nouée à l'azur-entrevue
j'ai entendu la chaleur du vertige chercher une toile
une tapisserie de sens dans l'immensité du souffle
passage-6746 |
avec l'oeil l'oreille la main — saisissant
comment partir du fond du jour
pour gravir ton corps ?
— Ostende Belgique, texte et photos
12 août 2024
alba capitule |
marcher
le pas long
la soif gutturale
marcher d'instinct
clarté des fleurs bleues
émoi d'émoi et la vérité
vive d'un jour à l'autre
la fête sur ton sentier
la nuit est sa fonte
où je cours, ouile sang chaud
les jambes vignes
peut-être sourdes
la salive fauchée
et s'arrêter à ton seuil
le rythme insensible
que s'est-il passé ?
le temps est parti
la fleur est éclose
en pleine lumière
le parfum à l'oeil
voir soudainement
le dos des lettres
écrire sur l'échine
la voie entre les lèvres
invisible état du soleil
et soulever la marche
c'est être avec toi
ce que je sens
je repars de là